Longtemps, le Burning Man m’a fait rêver.
Je me souviens des premières vidéos montrant ces orgies de feu grégeois, les danses réalisées par ces nymphes fantasmées, le tout totalement pixelisé grâce à mon totem appelé « modem Wanadoo 56K ».
Je me souviens quand je lisais « Tuer le père » d’Amélie Nothomb, et ses descriptions magiques de l’insouciante naïveté prônée dans ce lieu de fête où candeur et douceur étaient revendiquées au même titre que chaleur, ferveur et liberté.
Un principe majeur persistait : l’échange.
L’échange humain, social, mais aussi l’échange d’autosuffisance. Se faire faire des tresses et donner en retour un plat de riz, beau concept d’autarcie, ne serait-ce que pour dix jours.
Mais voilà, on assiste à ce magnifique phénomène qu’est la gentrification. Comme si s’accaparer le XIXème arrondissement ou Harlem ne suffisait pas, ces beaux bourgeois (*) qui crachaient volontiers sur ces lieux « de débauche pour drogués » adorent maintenant venir se prélasser à Black Rock City.
Attention, comme vous pouvez vous en douter, goûter la vie marginale au milieu d’un désert ne peut se faire qu’à deux conditions :
- Pas plus de dix jours par an
- Pas dans une tente avec la plèbe
Nous avons donc pu découvrir au cours de ces dernières années – qui ont vu l’affluence plus que triplée pour atteindre 70.000 « Burners » quand on atteignait à peine les 10.000 il y a 20 ans – une manifestation singulière relevant plus de quelques illuminés devenir un lieu à la mode où Mark Zuckerberg se paye une tente dépassant le million de dollars (FCS propose par exemple ses services de conciergerie mais aussi des costumes de luxe pour que vous ne perdiez pas de temps mais seulement de l’argent).
Excusez-moi d’être caustique. C’est fourbe et facile qui plus est venant de quelqu’un n’ayant jamais mis les pieds dans le Nevada.
Pour ma défense, je ne suis pas le seul à penser que le Burning Man relève aujourd’hui plus du foutage du gueule qu’à un rassemblement de bons prêcheurs du vivre ensemble.
John Law, un des co-fondateurs du festival, déclare lui-même : “Burning Man est devenu ce à quoi je voulais échapper en allant dans le désert: une société hiérarchisée où les riches sont servis par des pauvres. C’est aujourd’hui un lieu de vacances pour les entreprises. Facebook et Google n’auraient pas pu inventer meilleur lieu de vacances pour leurs salariés”.
Le Burning Man : une singularité unique comme une irrégularité éphémère qu’est un trou noir de dix jours… disparue ?
Des tickets à 700 dollars minimum et dépassant allégrement les 1000 dollars à la revente, des espaces VIP avec camping tout confort, WIFI, eau et électricité à 20.000 dollars la semaine.
Sans parler que pour les plus « pauvres », l’affluence est telle que la guerre de la caravane entraîne l’inflation la plus irréelle au monde.
Aujourd’hui, c’est un budget de 30 millions de dollars pour des recettes toujours plus fortes.
Comme les Airbnb qui promeuvent l’expérience authentique omettant quelque peu leur objectif principal pécunier, Burning Man n’a perdu de sa superbe, pour sûr, son totem de feu n’ayant jamais autant battu les records de hauteur …
Mais il a perdu son esprit qui faisait de lui une singularité unique comme une irrégularité éphémère qu’est un trou noir de dix jours.
A l’origine interruption de l’espace-temps d’un monde allant à toute vitesse, on arrive désormais avec un package jet privé, hélicoptère, accueilli par des hôtesses digne du salon de l’automobile.
Par manque d’envie, je n’évoquerai même pas l’empreinte écologique pour un événement éco-responsable qui brûle pétrole (3300 de kérosène en 2007) et utilise groupes électrogènes pour contenter un public toujours plus avide de sensations à la façon festival EDM, peut-être bientôt même avec Steve Aoki et des tartes à la crème (mais gluten free).
Bon, trêve de sarcasme, je voulais juste donner du crédit à mon prochain article : « 10 astuces pour passer ses vacances dans le Gers sans un sou ».
Sur ce, je souhaite une belle expérience à ceux partis dans l’aventure californienne, pour les autres, vous pouvez toujours regarder le live streaming :
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(*) Le Burning Man a toujours ramené des classes sociales éclectiques et prône la disparition de ces repères sociaux, j’utilise donc un raccourci facile et gratuit, oui.
Sources :
Dailytimewaster