Mais où est passé l’époque où l’on faisait écouter en avant-première un album aux journalistes ? Où l’on déroulait tapis rouge, coupes de champagne et petits fours pour avoir une bonne critique dans un canard. Aujourd’hui, sortie d’album rime avec originalité et effet de surprise. Les artistes sont devenus leur meilleur attaché de presse et sont désormais maitre de leur communication. Une tendance à l’indépendance où tout est (presque) permis.

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FINI LE JOURNALISME EN MODE « PRINCESSE » 

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Quelle époque cruelle ! Oui, cruelle pour les journalistes culturels. Longtemps chouchoutés et bichonnés par les maisons de disques à coût d’invitations par ci, par là, il semblerait que le vent est train de tourner.

Fini les billets d’avion, les coupes de Ruinart, les rencontres “exclusives” dans les palaces avec son artiste préféré et les concerts privés. Fini. Tout s’est arrêté du jour au lendemain.

QUE S’EST-IL PASSÉ ?

Depuis les Daft Punk ont cassé le « game » et inventé de nouvelles règles. Ils ont pris toute l’industrie de la musique de court en balançant du jour au lendemain sur les écrans du festival Coachella 2013 un teaser annonçant leur retour et révélant le tube Get Lucky. Quelques mois plus tard, Jay-Z annonce son nouvel album via une pub pendant les finales de la NBA, qui sera téléchargeable gratuitement pour le premier million d’utilisateurs de téléphones Samsung Galaxy. Et puis il y a eu U2 qui en 2014 sort en exclusivité son album sur iTunes pendant 5 semaines.

Le point comme à toutes ces sorties ? À chaque fois, la presse est hors-jeu.

Les critiques sont passés du statut d’interlocuteur privilégié pouvant tutoyer la star à celui de simple « follower » informé au dernier moment, et par conséquent condamné à relayer l’info. Comme tout le monde.

UN PUTSCH MUSICAL

On assiste au même renversement du côté des maisons de disque. Elles n’ont plus la main sur la stratégie, le marketing ni la promo.

Les managers longtemps rangés au simple rang de « machine à fric » ont pris le pouvoir avec les artistes. Un véritable putsch musical ! Les artistes et leurs managers maîtrisent maintenant le storytelling de A à Z, et quand ils sont prêts, ils balancent la sauce.

C’est comme ça que Beyoncé a publié son 5ème album sans annonce ni promotion en mettant directement en vente 14 titres accompagnés de chacun d’un clip en vente sur iTunes. Le regretté David Bowie, précurseur en storytelling depuis 40 ans avec ses personnages-albums, avait lui aussi surpris ces fans en 2013 en sortant son 24e album, The Next Day, sans prévenir avec un effet de surprise pour amorcer le buzz.

LE “PORTÉ DISPARU” : UNE STRATÉGIE PAYANTE

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Derrière ce jeu de rôle, se profile une culture de la disparition pure et simple. Le point commun entre Daft Punk, David Bowie et Drake ? C’est qu’ils ne parlent pas ou très peu.

Ils profitent d’une époque où chacun raconte sa vie sur les réseaux sociaux et où l’on connait tout sur la moindre vedette éphémère, pour disparaître afin d’être plus rare. C’est la loi de l’offre et de la demande. Du coup, chaque prise de parole est étudiée au millimètre près.  La promo s’intensifie sans eux et le public s’en charge pour eux.

LA NAISSANCE D’ARTISTES “COUTEAU SUISSE”

Au fond on peut comprendre les artistes. Le monde à changé. Pourquoi se tuer à chouchouter un journaliste arrogant et parlant mal l’anglais qui, une fois rentré, peut lui planter un couteau dans le dos en n’accordant que trois étoiles à son album ? Pourquoi passer des heures à se faire immortaliser en costume mal taillé par un photographe alors qu’ils peuvent surement faire la même chose pour une marque et être payé des centaines de milliers d’euros.

Dans un monde idéal, une bonne semaine pour le marché du disque français représente en moyenne 25 000 ventes physiques d’albums et 2000 téléchargements légales. Et quand on y arrive, c’est une excellente semaine dans un pays de 65 millions d’habitants. Force est de constater qu’un nouveau modèle et de nouvelles règles doivent être battis. À l’image du monde de la pub, le journaliste culturel est à réinventé. Les abus et privilèges ne durent toujours qu’un temps.

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